Vashlovani park
Je vais vous raconter l'expérience la plus forte qu'il m'est arrivé de vivre dans le parc Vashovlani en Géorgie...
Ça, c'est moi, ou plutôt mon 4x4, embourbé dans le parc Vashlovani, en Géorgie, sur la piste 7, sans aucun moyen de communication avec l'extérieur vu l'absence de réseau !
Comment je m'en suis sorti ?
Qu'est-ce que j'en ai appris ?
La veille, j'avais quitté Sighnaghi, et avais pris la direction du parc Vashlovani, non sans être passé par le centre administratif du parc pour obtenir mon laissé passer et obtenir le permis frontalier nécessaire auprès de la police frontière de Dedopliskaro.
Le jour même, ma première expérience de 4x4 avait commencé sur la piste 6, censée être de niveau 2 sur une échelle de 5. Facile donc. Mais je ne l'avais pas vécu comme cela. D'une part, parce que je mettais égaré deux fois malgré les cartes et ses points GPS, et d'autre part, parce qu'il avait plu la veille, et que le début de la piste était devenu tellement boueuse que le véhicule virevoltait de droite et de gauche lorsque j'accélérais et que la boue giclait de toute part, sans parler des ornières monumentales qu'il m'avait fallu négocier ensuite… !
Premier niveau d'expérience.
Le lendemain matin, j'avais quitté Mijniskure, situé à l'extrémité sud-est du parc, à la frontière azerbaïdjanaise, en me demandant si c'était vraiment une bonne idée de poursuivre l'expérience….
Après être remonté lentement, précautionneusement jusqu'à l'entrée du parc, j'abordais la piste 7.
Plus j'avançais, plus je me sentais confiant. La piste est belle, roulante. J'accélérais. Puis à un moment donné, se profilait une petite descente, avec en face une légère remontée avec deux traces. C'est là que j'ai fait une erreur.
Au lieu de m'arrêter pour vérifier, j'ai choisi la voie tracée à droite, tout en ayant l'impression que je pourrais avoir un problème d'un côté comme de l'autre. Et ça n'a pas manqué, je me suis retrouvé embourbé direct !
Deuxième niveau d'expérience…
Marche avant, marche arrière, rien n'y fait !
Je dirais même que j'ai l'impression d'aggraver la situation.
Troisième niveau d'expérience.
Après un petit moment de flottement, je me demande rapidement : c'est quoi l'avantage que l'une de tes plus grandes peurs pour ce voyage t'arrive ?
C'est simple : ça m'invite à devenir la personne que j'ai envie de devenir, celle qui prend les choses avec calme, qui gèrent les problèmes méthodiquement, avec sérénité.
Pour un hyper-émotionnel, c'est du boulot…
Je récupère les quelques branchages autour de moi pour les mettre sous les roues, puis vais chercher des cailloux près du petit cours qui passent à quelques mètres de là, sur la gauche. Je m'embourbe une seconde fois ! Mes chaussures sont remplies de boue !
Quatrième niveau d'expérience.
Là, je dis fuck ! Puis vais chercher des cailloux de l'autre côté de la bosse, après la voiture. Je fais plusieurs aller-retour sous un soleil de plomb en m'aidant d'une poêle pour en transporter plus et plus vite.
Je remonte dans la voiture, démarre et essaye de me sortir de là.
Échec total !
Cinquième niveau d'expérience.
Comme un baroud d'honneur, je décide de tenter d'enlever un maximum de boue autour des roues et sous le bas de caisse avec ce que j'ai à disposition : une assiette en aluminium et… mes mains !
Je creuse, je racle, je transpire abondamment. J'ai les mains dans un sale état, parce que l'assiette ne m'aide pas trop avec cette boue collante. Je fatigue, fais des pauses, bois de l'eau. Je suis épuisé, il fait terriblement chaud.
J'essaye à nouveau de dégager le véhicule.
Flop total !
Sixième niveau d'expérience.
Je décide de remonter à pied jusqu'à la maison des rangers où je me suis arrêté tout à l'heure, à 4km d'ici. Même s'il n'y avait personne…
Je prépare un sac à dos de survie, en piochant dans ma voiture les éléments indispensables, dont 6 litres d'eau. Puis pars à l'assaut des kilomètres.
Il est environ 11h et il doit déjà faire plus de 30 degrés à l'ombre, sauf que de l'ombre, il n'y en a pas !
À pied, ils sont raides ces kilomètres, en plein cagnard. Je bois régulièrement, en évitant de m'accrocher à toutes les pensées négatives qui m'assaillent. Je vérifie régulièrement ma position sur la carte du gps, cherche de vue la maison des rangers, pour me redonner le moral. Je marche, sans jamais croiser qui sur ce soit. Il faut dire que peu de touristes s'aventurent ici...
Enfin un arbre ! Je fais une pause, respire, bois de longues rasades et essaye à nouveau de calmer mon cerveau qui s'inquiète : vais-je croiser ces chiens de berger dont il faut se méfier ? Et ces serpents et ces scorpions, où sont-ils ?
L'expérience est intéressante… J'espère qu'il y aura quelqu'un à la maison des rangers, sinon l'entrée du parc à 8 kilomètres… !
Je repars. C'est la dernière ligne droite. Après avoir atteint un petit col, j'aperçois la fameuse maison, mais ne vois aucun véhicule. Puis, après quelques instants, sur la droite, en haut d'une colline, j'aperçois un 4x4. Il descend le chemin. Je respire. Puis constate qu'il ne vient pas dans ma direction. Il s'éloigne vers la droite !
Septième niveau d'expérience.
Je fais de grands signes de la main. Il s'arrête. Change de direction et me rejoint à la maison des rangers toujours aussi vide. Ouf !
Huitième niveau d'expérience.
Il s'appelle Tomas, il est portugais. Je suis content de le voir !
C'est un homme d'une trentaine d'années, de taille moyenne, brun, avec moustache et barbe, qui vit en France, ce qui facilite rapidement nos échanges.
Il a laissé de côté son boulot qui ne l'inspirait plus pour vivre l'aventure qu'il voulait vivre à la fin de ses études. Mais qu'il n'avait pas vécu : aller jusqu'au Kirghizstan en partant de la France !
Il m'inspire le gamin !
J'ai de la chance de tomber sur lui !
Après lui avoir expliqué la situation, il ne se pose pas de question : il va m'aider.
Nous décidons de remonter jusqu'à l'entrée du parc pour voir ce que les rangers peuvent faire.
À notre arrivée, les rangers nous informent qu'ils n'ont aucun véhicule à disposition. Et pas même un téléphone satellite ?
Tomas et moi, nous nous regardons interloqués.
C'est quoi l'avantage que cela se passe comme ça ?
Nous retournons jusqu'à mon 4x4. Après une brève évaluation du problème, Tomas fait demi-tour et met un câble entre les deux voitures. Puis m'explique que lui aussi s'est retrouvé embourbé, il y a quelques mois. Et qu'il s'était dit qu'il investirait dans des câbles qu'il n'avait pas alors…
J'ai une sacrée chance, non ?
Première tentative : un échec !
Nous enlevons les pierres et branchages que j'avais mis.
Deuxième tentative : me voilà sorti !
Dernier niveau d'expérience…
J'ai clairement un sacrée chance de tomber sur lui !
Et j'ai beaucoup appris :
- lorsque tu se sens trop confiant, la vie te ramène à la raison
- rien ne sert de paniquer, tous les problèmes ont une solution
- il y a toujours quelqu'un pour t'aider, où que tu sois
De ton côté, que retiens-tu de cette expérience ?
Voir le livre " Un voyage pour devenir heureux "